Lekjaâ dérape devant Infantino

Publié le : 28 Juillet 2025

 

Ce qui s’est passé samedi soir à Rabat dépasse largement le cadre d’un simple geste de frustration. Alors que le Nigeria célébrait son dixième sacre continental après une finale de CAN féminine renversante face au Maroc (3-2), le président de la Fédération royale marocaine de football, Fouzi Lekjaâ, a tenu à marquer son désaccord. 

 

Et pas n’importe comment : en s’en prenant ouvertement à l’arbitre namibienne de la rencontre Antsino Twanyanyukwa, devant les caméras… et devant Gianni Infantino, le président de la FIFA.

 

Malaise garanti

Lekjaâ, dont le sourire crispé en disait long sur le moment, n’a visiblement pas digéré la défaite de «ses» Lionnes à domicile. Le timing de cette scène est loin d’être anodin : nous sommes à cinq mois de la CAN 2025 que le Maroc accueillera en grande pompe. Et ce coup de sang n’est rien de moins qu’un avertissement lancé à tous ceux qui oseraient faire obstacle à ses ambitions.

 

La morale à double vitesse

Ce qui choque peut-être encore plus que le geste lui-même, c’est l’hypocrisie qui est derrière. Car en interne, l’homme n’a de cesse de vanter les vertus de l’arbitrage. Il organise des cérémonies pour honorer les arbitres, appelle au respect de leur fonction, évoque des principes d’éthique et de justice. Une belle mise en scène. Mais dès que le résultat ne lui convient pas, Lekjaâ oublie vite ses discours feutrés. Et l’arbitre devient un coupable tout désigné. Cette duplicité agace. D’un côté, on endosse le costume du dirigeant modèle, protecteur des arbitres. De l’autre, on se transforme en donneur de leçon agressif dès que le Maroc ou un club marocain est contrarié sur un terrain africain. La scène de samedi à Rabat n’est que le dernier épisode d’un feuilleton que beaucoup connaissent déjà.

 

Un long passif, lourd de symboles

Lekjaâ n’en est pas à sa première sortie de route. Il a déjà été accusé d’avoir menacé l’arbitre rwandaise Mukasanga Salima Rhadia après un match qualificatif pour les JO, au stade Moulay-Hassan de Rabat. Elle avait fini en larmes, sans aucun soutien des officiels présents. Avant cela, en 2019, c’est un coup de tête à un arbitre éthiopien, Tessema, après une finale de coupe de la CAF, qui a failli créer un scandale international. L’arbitre avait retiré sa plainte sous pression, préférant préserver sa carrière. Un silence contraint, qui en dit long sur les méthodes employées. À cela s’ajoutent les agressions verbales contre deux arbitres lors des deux dernières Coupes du monde : d’abord l’Ouzbek Ravshan Irmatov, lors du match Maroc – Espagne en 2018, puis le Qatari Abdulrahman Al-Jassim, pris à partie après la petite finale Maroc - Croatie en 2022. Autant d’incidents qui dessinent un inquiétant schéma d’intimidation institutionnalisé.

Ces épisodes, loin d’être anecdotiques, dessinent un profil inquiétant : celui d’un homme qui confond pouvoir et impunité, dirigeant et justicier. Un homme qui cumule les casquettes - président de fédération, membre du Conseil de la FIFA, du Comex de la CAF, 1er vice-président de la CAF - et qui semble les utiliser plus pour faire pression que pour construire.

 

Quel climat pour la CAN 2025 ?

Ce comportement soulève une question fondamentale : quel environnement attend les sélections africaines au Maroc en janvier prochain ? Un tournoi continental ne se joue pas seulement sur le terrain. Il se prépare dans les coulisses, dans les commissions arbitrales, dans les tribunes VIP. Et quand un homme en position de force multiplie les coups de pression et les écarts de conduite sans jamais être inquiété, l’équité du tournoi devient un enjeu majeur.

En intimidant les arbitres, en humiliant des officiels, Lekjaâ sème un climat de peur, bien loin de l’image souhaitée. Ce n’est pas seulement l’Algérie, c’est toute l’Afrique qui doit s’interroger.

 

Le silence gêné du président de la FIFA       

Que dire enfin du silence du président de la FIFA, pourtant témoin direct de la scène ? Les images montrent un Infantino visiblement mal à l’aise, mais qui ne bronche pas, devant une dizaine de caméras couvrant la cérémonie. Ce mutisme en dit long.

Fouzi Lekjaâ n’a pas seulement réagi à une décision arbitrale. Il a envoyé un signal clair : au Maroc, l’arbitre doit plaire ou se taire. Une menace à peine voilée à l’approche d’une CAN où le football africain devrait plutôt célébrer sa richesse, sa diversité et sa passion.

S. M. A.