À huit journées de la fin, il n’y a plus de place au laxisme ou à l’improvisation. À la suite d’un week-end noir marqué par des scènes d’une extrême violence, aussi bien sur le terrain qu’en dehors, la Fédération algérienne de football a décidé de réagir.
Son président, Walid Sadi, jusque-là en retrait sur les questions sécuritaires, a convoqué une réunion d'urgence avec les présidents des clubs de Ligue 1 professionnelle. Une initiative inédite, qui intervient à un moment critique de la saison, où le championnat est censé entrer dans sa phase la plus intense sur le plan sportif, mais se retrouve rattrapé par une réalité inquiétante : la violence a désormais franchi toutes les lignes rouges.
Un week-end de tous les dangers
Tout est parti d’un match sous tension entre l’USM Khenchela et le Paradou AC, disputé à Khenchela. Ce qui devait être une rencontre de football classique s’est transformée en véritable cauchemar pour les joueurs du club algérois, pris à partie à leur sortie du terrain. Le gardien de but Ferahi a été blessé au visage, tandis que le reste de l’équipe a vécu une véritable psychose dans les vestiaires, encerclés, intimidés, menacés. Une scène surréaliste, qui aurait pu s’arrêter là, mais que le match entre l’US Biskra et le MC Alger allait surpasser en gravité.
Car cette fois, c’est en dehors du stade que le drame a eu lieu. Alors que des centaines de supporters du Mouloudia rentraient de Biskra, leur convoi a été pris dans un guet-apens à hauteur de M’sila. Jets de pierres, violences physiques, voitures endommagées, et surtout, la mort tragique d’un jeune supporter. L’image insoutenable du visage juvénile de Sofiane fera le tour des réseaux sociaux, provoquant l’émoi et l’indignation. Le football algérien est plus que jamais confronté à ses démons.
48 heures décisives pour sauver le championnat
Conscient de la gravité de la situation, et sous la pression grandissante des acteurs du football et de l’opinion publique, Walid Sadi a décidé de convoquer une double série de consultations. Après une première réunion prévue aujourd’hui avec les arbitres, il rencontrera ce mardi l’ensemble des présidents de club de Ligue 1. Objectif affiché : garantir la fin du championnat dans un climat apaisé, sans heurts ni incidents. « Il ne reste que huit journées, mais ce sont les plus sensibles. Nous devons les encadrer avec rigueur et sang-froid », confie-t-on au siège de la FAF.
Plusieurs pistes sont sur la table. La plus radicale : interdire purement et simplement les déplacements des supporters visiteurs jusqu'à la fin de la saison. Cette mesure, bien que controversée, pourrait être adoptée dès cette semaine. Elle serait accompagnée d’un renforcement des dispositifs de sécurité autour des stades et à leurs abords immédiats. La FAF veut également impliquer davantage les forces de l’ordre dans la protection des équipes, notamment lors des déplacements sensibles, à l’image de l’expérience menée récemment lors du match USMH-IRBO à Ouargla, où l'encadrement a été salué.
Sécuriser et structurer
Mais la réponse de la FAF ne sera pas seulement sécuritaire. Walid Sadi compte aller plus loin, en initiant une véritable réforme structurelle. Un projet est déjà à l’étude pour réactiver officiellement les comités de supporters, longtemps laissés à l’abandon. Ces derniers pourraient devenir des partenaires clés dans la gestion des galeries, en instaurant un dialogue permanent avec les directions des clubs, notamment sur la prévention des débordements.
Il a été également question de mettre en place un nouveau protocole d’accès aux aires de jeu, afin de limiter la présence d’individus non autorisés au bord du terrain, une problématique déjà soulevée par la FAF lors de précédentes réunions. La main courante, véritable "zone grise", sera désormais strictement surveillée.
Pression
La sortie de Sadi était attendue. D’aucuns lui reprochaient son silence prolongé face à l’explosion des tensions ces dernières semaines. Mais en décidant de consulter tous les acteurs concernés — arbitres, clubs, forces de l’ordre — et en posant les bases d’un plan d’action coordonné, le président de la FAF semble vouloir reprendre la main. Reste à savoir si cela suffira. Car la violence qui frappe aujourd’hui le football algérien n’est plus seulement un problème de stade : elle s’est diffusée aussi sur les réseaux sociaux, et même parfois dans les discours tenus par certains dirigeants et dans certains plateaux télé.
Se consacrer au foot
Il reste huit journées pour sauver une saison sportive déjà fragilisée par les polémiques arbitrales, les retards d'organisation et les tensions en coulisses. Huit journées pour éviter un autre drame, humain ou sportif. Et pour cela, la FAF n’a pas droit à l’erreur. Si la réunion de mardi ne débouche pas sur des décisions fortes, le championnat risque de sombrer dans une spirale incontrôlable. Plus que jamais, c’est la crédibilité des instances, la sécurité des supporters, et l’image même du football algérien qui sont en jeu.
S.M.A.