Bien sûr Nabil Bentaleb, avec son statut de «petit nouveau» crée le «buzz» et monopolise la majorité des pages «équipe nationale», comme d’autres avant lui, alors que certains joueurs, toujours les mêmes, se taillent la part du lion. Des joueurs qui ne méritent pas autant de louanges alors qu’ils en reçoivent mais d’autres, qui eux le méritent techniquement et statistiquement car ils sont les meilleurs de la liste, sont oubliés. C’est le cas de l’attaquant du Dynamo Zagreb, El Arbi Hillel Soudani, qui semble «invisible médiatiquement» dans son propre pays.
Il est victime du «hrvatski»
Il n’y a qu’à consulter les archives des différents journaux qui composent la presse nationale, ou ceux des différentes chaînes de télévision, ou encore taper «Hillel Soudani» sur le web pour se rendre compte que ce joueur, au vu de ses performances, n’a pas le retour sur investissement médiatique que ses performances et sa débauche d’énergie auraient mérité. Dès que Sofiane Feghouli réussit un match, il fait la une. Dès que Yacine Brahimi réussit un crochet, il occupe l’espace, dès que Belkalem ou Halliche éternuent, c’est toute l’Algérie du football qui s’enrhume, mais Soudani lui, doit se contenter du minimum syndical. Il faut dire à la décharge de nos médias, que l’ancien attaquant de l’ASO Chlef, est handicapé par plusieurs paramètres défavorables sur le plan médiatique. Il n’est pas né en Europe, mais est originaire du quartier populaire de Cité El-Aroudj de Chlef, une wilaya de province. Il n’a pas été formé au PSG, ou à l’Olympique Lyonnais, mais juste à l’ASO Chlef, un club bien tranquille et n’ayant pas la double nationalité. Il est arrivé en équipe nationale sans bruit, sans négociations avec le président de la FAF, et sans feuilleton médiatique ni dossier FIFA. Tout cela n’est pas très «Rock n’ Roll». Il joue dans un grand club, le Dynamo Zagreb, mais malheureusement, la langue de ce pays, le «hrvatski», traduisez le croate, qui est la langue de ce pays, est une langue exotique slave méridionale qui n’est parlée qu’en ex-Yougoslavie, et que l’ensemble des journalistes qui composent la presse nationale ont du mal à déchiffrer. Et comme toutes les statistiques et les articles se rapportant à Soudani sont dans cette langue, il est plus facile d’écrire sur Boudebouz ou Mandi, qui jouent en terre francophone, que sur lui. Et c’est bien dommage car tous les voyants sont verts pour le Vert du Dynamo.
Des statistiques à en faire rougir ses coéquipiers
Car honnêtement, si on cumule les statistiques en club et en équipe nationale, le numéro 1 absolu et de loin, c’est bien Hillel Soudani. Et sans flagornerie aucune, on peut dire que depuis Rabah Madjer, aucun footballeur algérien n’a été aussi performant à la fois en club et en sélection. Car si Moussa Saïb et Rafik Saïfi ont réussi de très belles saisons en Europe, à leur époque, l’équipe nationale était sclérosée par la décennie noire pour l’Auxerrois, et par une traversée du désert pour l’autre. L’ancien joueur de Guimaraes est en train de faire la saison la plus aboutie des Algériens évoluant en Europe, alors que ses coéquipiers ont le plus grand mal à avoir du temps de jeu, voir à inscrire des buts, ou enchaîner plusieurs matches de suite, d’autant qu’il n’y a pas beaucoup de Fennecs d’Europe cette saison qui peuvent se prévaloir de 1 287 minutes jouées en 18 matches de championnat pour 10 buts inscrits, de 707 minutes en 9 rencontres de Ligue des Champions et en Europa League et de 172 minutes enfin, pour 2 matches joués en coupe nationale. Et cela ce n’est qu’avec le Dynamo Zagreb, car en équipe nationale, où il a dû gagner sa place à la sueur de son front, car il a été longtemps remplaçant à ses débuts, sous Benchikha, et se contentant du statut de «joker décisif» sous Vahid Halilhodzic, Soudani, cadre absolu aujourd’hui, en est déjà à 19 capes pour 9 buts. Et qu’on ne nous dise pas qu’il joue dans un championnat faible, car le niveau en Croatie est bien plus technique et plus dense qu’en Championship ou au Portugal. Il n’y a qu’à voir comment le grand FC Barcelone fait des pieds et des mains pour faire signer son coéquipier Alen Halilovic. Statistiquement, certains joueurs présents dans la liste signeraient des deux mains pour avoir, ne serait-ce que la moitié du parcours de Soudani.
Soudani ou l’anti star
Un dernier paramètre, enfin, dessert l’ancien goléador du championnat national, son caractère. Dans une équipe nationale qui, à l’image du football professionnel mondial, où pour être respecté, les conseillers en communication conseillent aux joueurs d’avoir une mine patibulaire et de ne répondre à aucune sollicitation venant des médias, sauf quand c’est nécessaire ou obligatoire, et de n’approcher les fans et les supporters qu’avec parcimonie, un joueur comme Soudani est un véritable extra terrestre. A Chlef, en équipe nationale, à Guimaraes ou à Zagreb, Hillel Soudani est l’anti star. Il est très disponible pour les supporters et aime vraiment le contact humain. Il est capable de discuter des heures avec la boulangère ou le concierge de l’immeuble. Idem pour la presse, Soudani est d’une politesse exemplaire et se donne aux médias sans compter lorsque son club ou la fédération lui donne le «ok». Cette proximité qui le rend si populaire chez les supporters, le rend moins intéressant chez une presse spécialisée qui s’intéresse plus aux joueurs dit «inaccessibles» et aux «bad boys».
Il sera l’une des stars du Mondial
Mais s’il continue sur sa lancée et qu’il est épargné par les différentes «tuiles» qui peuvent survenir à n’importe quel moment, El-Arbi Hillel Soudani, puisque c’est son patronyme complet, sera l’une des stars de la Coupe du monde, Brésil 2014. Le genre de joueur, quasiment anonyme, qui arrive simple soldat au Mondial, et qui en repart général. Car comme cela se produit à chaque Mondial, dans une Coupe du monde où il n’y en aura que pour Ronaldo, Neymar, Messi ou autre Inesta, c’est peut-être le petit Soudani de la cité El-Aroudj de Chlef, qui risque de tirer la couverture vers lui comme l’ont fait les petits Paolo Rossi, en 1982 dans la «Coupe du monde de Zico et Socrates», ou encore «Toto» Squilacci, dans une Coupe du monde 1990 promise à Diego Maradona médiatiquement. C’est tout le mal que l’on peut lui souhaiter, mais avant cela, il y aura la Slovénie.
Mohamed Bouguerra