Bougherara : «En 99, Djaballah et le gazon nous avait fait perdre cette finale »

Si des entraîneurs se sont fait connaître pour avoir des titres ou assurer des accessions avec des clubs, Liamine Bougherara a, lui, une carte de visite plutôt sympathique, puisque son nom est fortement lié au maintien. Tous les clubs qu’il a entraînés, il a réussi à les sauver de la relégation et, comme le football est ingrat, le jeune coach a été souvent mal récompensé les années d’après. Cela ne l’empêche pas de se montrer ambitieux et de chercher autre chose que le maintien. Il veut faire accéder Tadjenanet en 1re division. Le club est bien parti pour cela. Le gardien, qui a fait les beaux jours de l’ASAM, de la JSK et de l’EN, revient dans cet entretien qu’il nous a accordé sur la fameuse finale du championnat qui a vu le MCA battre la JSK grâce à ce maudit gazon qui lui a joué un vilain tour et permis aux Mouloudéens de marquer le but de la victoire. Pour la finale de la coupe qui arrive, Liamine ne parle pas de revanche, mais souhaite que son club de toujours, la JSK, remporte le trophée. Il donne des conseils à Asselah et encourage Djemili pour rester fair-play, comme il l’a toujours été durant sa longue et grande carrière de gardien de but.

 

Depuis votre départ du CRB Aïn Fakroun, on n’entend plus parler de vous, qu’êtes-vous devenu ?

Eh bien, je suis toujours dans le circuit. Actuellement, j’entraîne l’équipe de Tadjenanet qui évolue en D2 amateur. C’est une expérience exaltante pour moi.

 

Ne nous dites pas que vous êtes dans ce club pour le sauver de la relégation ?

Non, bien au contraire, je suis sur le point d’accéder en première division. Je suis premier et à 6 longueurs du MOC. Je sais que c’est souvent des équipes en danger qui font appel à moi, mais cette fois-ci, c’est le contraire qui s’est produit. Les dirigeants de Tadjenanet m’ont présenté un programme ambitieux et un projet intéressant qui ont été suffisants pour m’embarquer dans l’aventure. J’avoue que j’ai fait un bon choix. Je travaille dans de bonnes conditions, selon les moyens et la politique du club, cela s’entend.

 

Jouer le haut du tableau est moins stressant que de vouloir assurer le maintien ?

La pression y est, mais elle n’est pas la même. Là, on joue pour une consécration, dans l’autre, on joue sa survie. Ou on reste ou on s’éteint, le challenge est beaucoup plus difficile dans ce 2e cas. Tout l’environnement n’arrange pas tes affaires. Tu te bats seul, toi et ton équipe, pour une question de survie, alors qu’il faudrai que toutes les forces soient unies pour maintenir un club dans une division donnée.

 

Pourquoi avez-vous toujours accepté d’entraîner des équipes en difficultés. Est-ce par malchance ou ce sont les défis qui vous intéressent ?

Disons les deux. Je ne vous cache pas que j’aurais aimé entraîner un club stable jouant le haut du tableau et ne manquant de rien, mais le hasard a fait que je sois lié à des équipes qui cherchaient toutes à se maintenir. J’avoue que sauver une équipe de la relégation est très excitant.

 

Combien d’équipes avez-vous sauvé ?

Je ne me rappelle pas exactement du nombre, mais elles sont nombreuses.

 

Comment vous est venue cette force de réussir à maintenir des formations qui étaient souvent condamnées au purgatoire

Le facteur chance existe, je ne le nie pas, mais le travail finit toujours par payer. Quand je vais dans un club, je me donne à fond, je ne triche pas. Je ne veux pas avoir de regrets à la fin. J’accomplis mon travail avec beaucoup d’abnégation.

 

Parce que vous aimez aussi ce que vous faites…

Exactement. Le foot est tout pour moi. Ça m’arrive quand je rentre chez moi, et après avoir mis au lit mes enfants, de plonger dans la documentation et je cherche toujours à savoir ce qu’il y a de nouveau dans le coaching. Je fais attention à ce que font les grands entraîneurs dans leurs matchs. Je note tout. J’apprends tout le temps avec eux et j’essaie de mettre en pratique cela. Je me mets à jour.

 

Quel est le premier club que vous avez réussi à maintenir ?

Aïn M’lila, l’ASAM, le club qui m’a formé et lancé dans le foot. C’est de là que j’ai démarré ma carrière. C’est ce club qui m’a fait connaître dans la région, car après, je suis allé au Khroub, pour être l’adjoint de Belaribi, et là aussi, on a réussi le maintien…

 

Et chaque saison, un maintien est assuré quelque part…

C’est presque ça. Après avoir assuré le maintien avec l’ASK, j’ai fait la phase aller avec ce club que j’ai quitté tout en le laissant à la 3e place. Des différends avec les anciens dirigeants m’ont poussé à partir. Je suis parti à Batna pour sauver le MSPB. On est en 2007. Ce club était avant dernier, on a fini par réaliser un bon parcours et permettre à ce club de rester en D1.

Ensuite, j’ai été contacté par le MOC l’année d’après. L’équipe, cette année, allait jouer l’accession. Le challenge me tentait, mais au bout de la 3e rencontre, j’ai plié bagage. Je ne pouvais pas évoluer dans un environnement hostile. Vous me connaissez, j’ai des principes et je ne badine pas avec…

 

Cela confirme que votre nom est plus lié au maintien qu’aux accessions

(Rire) Apparemment. Je suis effectivement parti à Khenchela pour sauver l’USMK de la relégation.

 

Et l’aventure ne va pas s’arrêter là…

Oui, je suis revenu à l’ASK. J’arrive dans ce club, il n’avait que 17 points, la mission était presque impossible. On va réussir une phase retour extraordinaire. On la terminera 2e juste derrière l’ASO qui a fini champion. 2es sur les matchs retour, cela a permis à l’ASK de se maintenir de fort belle manière. On sent qu’à chaque fois que vous remettez un club sur les rails, vous finissez toujours par l’abandonner l’année d’après, pourquoi ?

Comme je vous l’ai dit, moi je suis un homme à principe. Je ne tolère pas qu’on s’immisce dans mon travail. Je ne veux qu’aucune personne ne touche à mon équipe. Si je constate une anomalie quelque part, je m’en vais sans me retourner. C’est malheureusement ce qui s’est passé avec l’ASK l’année d’après, ou même avec les autres équipes, comme l’USB que j’ai également sauvée ou encore le MCEE, dont on disait qu’il avait les deux pieds en D2. Il restait 8 matchs tous difficiles, mais on a réussi à relever de défi et on a maintenu El- Eulma.

 

Vous devriez rester plus longtemps dans ce club…

Oui, mais une affaire familiale m’a obligé de me rapprocher des miens. Mon père venait de décéder, je devais donc rester dans le coin. J’ai pris en main l’USMAB.

 

Après, il y a eu Annaba...

Annaba, c’est particulier. Tout le monde sait dans quel environnement baigne ce grand club. J’ai géré le maintien de ce club, et puis, je suis parti. Je ne pouvais pas rester.

 

Vous aviez une opportunité de rester en L1 quand vous avez pris en main le CRBAF...

C’est ce que je voulais. Si ça ne tenait qu’à moi, je serais encore dans ce club et la situation de ce dernier n’en serait pas là, je sais de quoi je parle. Je crois que nous avons effectué une excellente préparation en Tunisie où nous avons fait de bons résultats face à l’EST et à l’AS Marsa. Ces clubs nous ont félicités pour notre prestation.

 

Et que s’est-il passé par la suite ?

Eh bien, nous avons hérité d’un calendrier très dur. On a eu à jouer sur le coup l’ESS, le MCA et la JSK. Certes, nous les avons perdus, mais tout le monde a reconnu que le CRBAF joue bien au ballon. Nous avons bien joué face au MCA qui ne nous a battus que difficilement au 5-Juillet. Toute la presse faisait l’éloge du CRBAF et reprochait à l’arbitre d’avoir faussé le résultat de cette rencontre. Mais comme chez nous, on croit qu’aux résultats, je n’ai pas résisté aux critiques et je suis parti.

 

Avec des regrets…

Oui, à mon avis, je n’aurais pas dû prendre le CRBAF. Cette équipe a fait trois accessions de suite et elle n’était pas habituée aux défaites. Les gens n’étaient pas préparés pour cela. Ils oublient aussi qu’ils jouent dans l’élite, et dans ce cas, il fallait être patient avec l’équipe. Je suis persuadé que s’il y avait plus de confiance dans l’équipe, on ne verrait pas aujourd’hui le CRBAF se battre pour le maintien.

 

D’où tenez-vous le secret de votre réussite ?

J’ai joué longtemps au foot. Le hasard m’a mis dans la fameuse équipe de l’ASAM qui faisait trembler les grands de la D1, et par la suite, j’étais recruté dans l’un des meilleurs clubs d’Algérie. Cela m’a permis de me forger une personnalité et de côtoyer de grands entraîneurs avec lesquels j’ai beaucoup appris.

 

Comme qui par exemple ?

Dans le foot, il n’y a pas de recette magique. Seul le travail paie. La discipline est importante, mais il ne faut pas non plus être un gendarme. Il faut opérer une synergie dans le groupe. Il faut sentir au joueur qu’il est important et que de lui dépend son avenir, l’avenir de l’entraîneur et celui du club. Le sensibiliser, le responsabiliser. Apprendre à communiquer.

 

Quel est l’entraîneur qui vous a marqué ?

Il n’y en a pas un, mais trois. Kamel Moussa, Azeroual et Jean-Yves Chay. J’ai appris de chacun d’eux pas mal de belles choses. Chaque entraîneur avait sa philosophie. J’ai des diplômes, mais je continue à apprendre. Je n’hésite pas à payer de ma poche mes recyclages à l’étranger.

 

Avez-vous toujours émis le vœu de devenir entraîneur ?

Depuis que j’étais joueur. Moi, je suis un leader de nature. A l’école, en famille ou en club, je fais tout pour être le meilleur. Maintenant entraîneur, je fais tout pour devenir un des meilleurs. J’ai de l’ambition et j’aime mon métier.

 

Vous avez eu une grande carrière de footballeur, mais il y a eu des erreurs que vous auriez certainement aimé éviter…

Des erreurs de comportement, oui. Je veux refaire ma carrière pour les corriger, surtout si je me suis montré dur avec quelqu’un, qu’il m’en excuse. Sur le plan technique, non rien. Je ne changerai rien du tout.

 

Même pas…

(Il nous coupe) Je sais où vous allez en venir. Ce fameux 5 à 2, je le dis pour la énième fois, ce n’est pas de ma faute. J’étais malade, feu Kezzal m’a forcé à jouer. Ce jour-là, c’est toute l’équipe qui a flanché. Ce n’est pas de ma faute si on a encaissé ces buts. Je me suis sacrifié pour l’Algérie. Si c’était à refaire, je le referai, car moi, je suis de la famille révolutionnaire. Mon père et mon grand-père se sont battus pour ce pays, et ce n’est pas à moi, leur descendant, de me dégonfler pour un match de foot. J’étais blessé et j’ai pris mes responsabilités. Je n’ai commis aucune erreur.

 

Et sur cette finale perdue en championnat face au MCA après une bévue de votre part…

Oui, je reconnais cela. Dans ma tête, on allait jouer les penalties. Je voyais cela venir. Si on est arrivés aux TAB, on aurait remporté le championnat. Le MCA, en tous cas, ne nous aurait pas battus ce jour-là s’il n’y avait pas cet arbitrage qui nous a beaucoup nui, ce terrain bosselé et ce maudit rebond qui fait fuir le cuir de mes mains. Le MCA avait beaucoup de chances. Moi, je continue à dire que j’ai fait un grand match en faisant des arrêts incroyables face à Saïfi ou encore Dob… A l’opposé, Ghazi et Medane se faisaient massacrer devant l’arbitre qui ne bronchait point… Pour moi, on a été lésés lors de cette finale.

 

Souhaitez-vous que la génération d’Asselah prenne votre revanche ?

Revanche, non, mais je souhaite que mon club de toujours la remporte. La JSK mérite tout le bien. Je ne dis pas cela en minimisant de la valeur du MCA, mais la JSK fait partie de mon histoire. De ma famille. On ne peut pas renier les siens.

 

Vous êtes plutôt pour Asselah ou Mazari pour la finale ?

Si Assela se porte bien et qu’il est en forme, il est le plus indiqué pour jouer la finale. Ce sera sa finale, à mon avis. Ça va se jouer sur un détail, et un gardien comme Asselah sait provoquer l’adversaire et le déconcentrer. Il est mieux armé que Mazari qui est aussi un bon gardien, je le reconnais, mais dans ce genre de match, l’expérience est importante.

 

A l’opposé, la finale ne se présente pas bien pour Djemili qui est mis sous pression...

Effectivement. Le retour de Chaouchi au-devant de la scène ne devait pas arranger ses affaires, lui qui n’est pas exempt des reproches sur les derniers matches du MCA. Il est sous forte pression et il a besoin d’aide. Il doit être aidé par ses coéquipiers, ses dirigeants et surtout ses supporters.

 

Un mot sur l’EN et le Mondial qui l’attend…

Quand on a dans une équipe un Feghouli ou un Brahimi qui ont battu à eux seuls le Barça, on ne peut que se montrer optimiste. C’est vrai qu’on va croiser de grandes nations de foot, mais on a notre mot à dire. Puis, c’est le moment de passer au 2e tour. On a une très bonne génération de footballeurs, profitons-en.

H. B.

 

Bio Express

Mohamed Liamine Bougherara est un ex-gardien de but international qui a porté 22 fois le maillot de la sélection algérienne. Il a participé en 2000 à la CAN qui s’est déroulée au Ghana-Nigeria et il a décroché avec les Verts une présence aux quart de finales. En club, c’est avec la JSK qu’il remporte ses principaux titres, tous africains. Bougherara a gagné trois coupes de la CAF et a disputé deux finales de la coupe d’Algérie, dont une avec l’ASAM, qui a perdu sa finale face à la JSK. Il a été également deux fois champion en équipe militaire.

Devenu entraîneur depuis 2005, Liamine Bougherara a réussi à aider plus d’une dizaine de clubs à se maintenir dans leur division. L’homme des maintiens se penche actuellement sur l’accession du côté du DRB Tadjenanet.

 

«J’ai perdu face au MCA et j’ai gagné 3 coupes de la CAF par la suite»

La JSK ne devait pas perdre sa finale face au MCA en championnat soutien. On avait beaucoup de potentiel et l’arbitre ne nous a pas épargnés, mais ce que je retiens de cette époque, c’est que cette équipe de la JSK a réussi à remporter des titres africains trois ans de suite. Ses joueurs ont connu une grande carrière, certains sont encore en activité.»

 

«On m’a fait payer mon soutien à Oussaci et à l'ASAM contre le MCA»

«Alors que j’étais joueur à la JSK, Salim Oussaci et l’ASAM ont été lynchés médiatiquement par les Mouloudéens. J’ai pris la parole et j’ai défendu mon club de cœur, l’ASAM, et j’ai pris position avec Oussaci qui a été correct lors de ce match que le MCA a perdu. Ses relais n’ont pas accepté et ont saisi au vol le 5-2 d’Egypte pour me descendre personnellement. Ils m’en voulaient à mort. Pour eux, il ne fallait pas que je défende l’ASAM ou Oussaci.»

 

 

«Medane et Ghazi se faisaient massacrer devant les yeux de l’arbitre ! »

«J’avais fait des arrêts remarquables»

«La JSK aurait gagné aux penaltys»

 

«Chay, Mouassa et Azeroual, mes profs»

 

 

«Il y a trop de pression sur Djemili»

 

 

Classement